Un conseil municipal extraordinaire s’est tenu à Rouen ce lundi 13 mars, pour débattre des orientations du Plan d’Aménagement et de Développement durable de la Métropole.
Vous trouverez ci-dessous le détail de mon intervention:
Nous débattons, au niveau de la Ville de Rouen, des orientations générales du Projet d’aménagement et de développement durable préparé par la Métropole de Rouen.
Le moment est important, car il conforte la compétence de la Métropole dans son rôle d’aménageur de notre territoire. L’inscription de cette compétence à l’échelle de notre Métropole n’est absolument pas anodine. Il est clair qu’envisager séparément l’aménagement des 71 communes de la Métropole, dont Rouen, commune centre, n’aurait plus eu beaucoup de sens. L’échelle des enjeux d’aménagement est celle de la Métropole, comme nous l’avions déjà rappelé au moment de l’adoption du Schéma de cohérence territorial (SCOT), débattu en 2015 au sein de ce conseil.
Mais ce n’est pas parce que l’échelle métropolitaine est pertinente que nous ne devons pas avoir en tête un certain nombre de limites dans l’exercice qui nous est demandé ce soir :
- Les règles du jeu entre la Métropole et les communes doivent encore être discutées, et précisées. Le Président de la Métropole doit être mis en garde : il ne dispose absolument pas de la légitimité requise pour imposer, et même pour diriger, l’exercice d’aménagement. En effet, il n’a pas présenté de projet aux habitants de la Métropole lors de son élection en 2014, comme d’ailleurs la plupart des candidats aux élections municipales. Les électeurs se sont prononcés au niveau des communes. On peut regretter cette absence de vision métropolitaine dans la campagne de 2014, et souhaiter qu’il en soit autrement – comme moi qui défend l’élection du président de la Métropole au suffrage universel direct. Mais, dans cet exercice fondamental qu’est le PLUi, la compétence légale ne vaut pas légitimité. Nous avons à faire un plan local d’urbanisme intercommunal, pas métropolitain. Certaines communes ont déjà fait remonter qu’elles avaient des craintes sur le degré d’ouverture de la Métropole à une méthode partenariale. Et sur Rouen, nous voulons être très clair : rien ne doit être fait sans qu’un accord plein et entier se soit dégagé. Les réunions de concertation sont une chose, et nous souhaitons d’ailleurs que les élus municipaux en soient mieux informés. Mais le travail que nous faisons ce soir, il faudra le refaire, notamment dans le cadre de la préparation du règlement.
- Il serait naïf de croire que nous avons, par la baguette magique du Schéma Départemental de Coopération Intercommunal, déterminé un périmètre qui serait d’une parfaite cohérence au regard des problématiques d’aménagement. Il nous faut nous souvenir qu’une partie importante du territoire métropolitain demeure rural, et doit répondre à des logiques d’aménagement spécifiques, cependant que certains territoires à caractère plus urbain interagissent fortement avec notre Métropole sans toutefois lui appartenir.
Ce n’est pas aujourd’hui que nous aurons les discussions les plus pointues, les plus animées également, car nous n’effleurons que les généralités et grands principes au travers de ces orientations du PADD.
Le cœur du document dont nous discutons ce soir tient en 10 transparents. 10 transparents grandement consensuels. Difficile de ne pas se retrouver dans l’idée d’une Métropole « rayonnante et dynamique » (axe 1), « garante des équilibres et des solidarités » (axe 2), dotée d’un « environnement de qualité et de proximité pour tous » (axe 3).
C’est le contenu de tout cela qui doit désormais être travaillé et discuté.
Sur l’axe 1 :
- L’invocation de l’axe-seine ne devra pas rester un mantra : la « mise en Seine » du territoire : depuis 2012, nous stagnons, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale. Quelle vision concrète pour la Métropole ? Quelle incidence sur la construction urbaine ?
- La requalification des logements existants (centre ancien) doit être une priorité sur Rouen.
- Je note une évolution sur la question du commerce. Le SCOT prévoyait uniquement de maintenir les équilibres entre les deux grandes zones commerciales (dont l’une – Barentin – extérieure à la Métropole). Le PADD parle de priorisation du développement du commerce de centre-ville / centre-bourg, ce qui est un bon point, et devra se traduire dans la pratique.
Sur l’axe 2 :
- Le point saillant de l’axe 2 est la réduction de 30 % de la consommation foncière, avec un fort enjeu sur la réduction des friches. Cet objectif est louable. Par exemple, un cœur de métropole dense permet à la fois l’attractivité et réduit l’empreinte écologique. Mais, cet objectif semble plutôt résulter d’une négociation comptable que d’une stratégie précisément évaluée. Dans les petites communes, il y a une forte inquiétude sur le fait que cette règle induise la construction d’immeubles dans les cœurs de village traditionnel. A Rouen, le sujet est différent. Nous avons évoqué en commission que la contribution de Rouen à cet objectif devrait se traduire par la réalisation de 1000 logements supplémentaires. Et nous avons entendu le Président de la Métropole expliquer l’ambition de déplacer le barycentre de la Métropole, en renforçant notamment le poids des quartiers ou futurs quartiers Flaubert, Luciline et gare rive gauche. Là encore, pourquoi pas, mais avec les points de vigilances suivants :
- Actuellement, la population stagne sur Rouen. La construction des nouveaux logements est utile si elle accompagne l’installation de nouveaux habitants. Mais : 1/ nous aurons de nouveaux habitants si nous sommes attractifs, et nous n’en prenons pas le chemin. 2/ il existe un risque que la population du centre de Rouen soit simplement déplacée vers ces nouveaux logements, et le pendant de cette politique doit absolument être un fort effort de réhabilitation notamment dans le centre-ancien, où il n’est pas rare de constater l’insalubrité de certains logements.
- Rouen est une ville remarquable de par son centre ancien, mais aussi de part la qualité et l’identité de ses quartiers. Densifier ne peut pas vouloir dire faire n’importe quoi, avec des immeubles de piètre qualité, sur plan courant, posé par exemple au milieu de zones de logements individuels. Il est de notre devoir d’élus rouennais de faire valoir et de préserver la qualité de vie et la qualité architecturale de notre Ville. Il n’y a déjà que trop de verrues poussées ces dernières années.
- La densification implique une réflexion sur la part du logement social. Nous devons nous garder de toute approche dogmatique. Le logement social n’est pas la panacée. La Cour des comptes a récemment rappelé que la France ne souffrait pas d’un déficit de logement social, mais d’une erreur de méthode dans son affectation. Notre commune atteint déjà un taux de 25 % et, en lien avec le PLH, nous devrons être vigilants sur le nombre, la répartition et la nature des nouveaux programmes.
- Relevons également la proposition qui est faite de hiérarchiser le réseau de voirie. C’est légitime, mais rappelons l’état déplorable de nos réseaux de desserte dans certains quartiers. Le PADD ne doit pas nous conduire à accepter le niveau actuel de notre voirie.
- Enfin, rappelons que le PADD prévoit la mise en cohérence des projets d’aménagement et des réseaux de transport en commun. Mais, précisément, la Métropole n’a pas fait beaucoup pour une appréhension cohérente des transports en commun : nous ne lui signons pas de chèque en blanc. Nous voulons avant tout un réseau adapté aux habitants, pas prétexte du projet d’aménagement.
Sur l’axe n°3 (l’environnement), il nous faut effectivement faire le maximum pour intégrer la nature dans la Ville. Au-delà de cette pétition de principe, qu’il soit permis de tousser quand on lit que la Métropole entend « préserver les vues remarquables vers les éléments patrimoniaux repères du territoire et vers le grand paysage ». Quand on pense qu’elle nous a infligé le Panorama XXL ! Gageons que ce soit un nouveau départ pour l’urbanisme à Rouen, qui, trop souvent, a proposé des programmes architecturaux sans âmes et au mépris des grandes perspectives urbaines.
En conclusion :
- Bien évidemment, nous souscrivons aux grands enjeux de ce PADD
- Notre responsabilité collective d’élus municipaux implique une attention de tous les instants à la suite de l’opération, et nous rappelons fermement que cette génération de PLUi est une génération dans laquelle la Métropole joue le rôle d’animateur – rôle qu’elle ne doit pas excéder
- En particulier, sur Rouen, il est important que le développement des nouveaux logements se fassent dans le respect de l’âme des quartiers et des équilibres de peuplement, et sans oublier que la rénovation urbaine – y compris dans le centre-ancien, est une priorité au moins aussi importante que la construction de logements neufs
- Enfin, compte-tenu du caractère généraliste du support proposé, compte-tenu également du caractère contradictoire de certaines des actions engagées précédemment par la Métropole en matière de transport ou d’aménagement, nous devrons nous montrer très attentifs au cours des étapes à venir.