La campagne des élections municipales est bien lancée. Tendance Ouest nous annonce la semaine passée que EELV, espoir principal de la majorité sortante, dévoile son programme, au travers d’une interview de leur leader.
- 120 millions d’euros d’emprunts, vers une augmentation de 25 % des impôts
Voilà d’abord EELV tout en repentance. Alors qu’ils sont au pouvoir depuis 12 ans, ils reprennent les constats que nous portons à chaque débat d’orientation budgétaire : l’investissement de la Ville est au plus bas, tombé à quelques millions d’euros par an. Surtout l’épargne nette est à peine positive, c’est-à-dire qu’une fois payé les échéances de la dette, il ne reste plus rien pour investir. Ce qui bien sûr est une parfaite impasse pour financer la transition écologique.
Malheureusement, EELV ne fait que la moitié du raisonnement. Ce que ses représentants oublient de dire, c’est que si la Ville en est là, c’est parce que les efforts n’ont pas été fait pour améliorer l’efficacité de notre dépense publique municipale, et parce que des projets absurdes ont été soutenus à la Métropole… Et comme EELV n’a pas l’intention de se mettre réellement au travail pour améliorer la gestion, une seule solution possible, un emprunt de 20 millions d’euros par an, sur la durée du mandat.
Soit, 120 millions d’euros d’emprunts supplémentaires sur 6 ans. Dans une ville qui, avec un encours de dette de 166 millions d’euros, est déjà endettée à hauteur de 1 474 € / habitant, contre 1 112 € / habitant en moyenne pour les communes du même type en France.
En 2018, la Ville de Rouen n’a réussi à rembourser que 11 millions d’euros sur sa dette, en renonçant à investir. Avec la proposition de EELV, la dette de Rouen ne serait plus de 166 millions d’euros comme en 2018 mais dépasserait 220 millions d’euros en 2026 à la fin du mandat. Soit près de 2 000 € / habitant – presque le double de la moyenne des communes françaises !
ELLV tente de vendre sa solution à l’électeur avec un argument de parfaite mauvaise fois : les taux d’intérêt seraient négatifs et nous « économiserions » en empruntant. C’est vraiment prendre le citoyen pour un imbécile. D’abord, il faut toujours rembourser le capital, ce qui n’est pas rien quand on prévoit d’emprunter 20 millions par an. D’autre part, aucune Collectivité n’obtient de taux négatif auprès des banques, et qui plus est il est plus que vraisemblable que ces taux remonteront dans la durée.
La réalité, c’est que pour rembourser ces emprunts, il faudra forcément augmenter les impôts. Le calcul n’est pas compliqué. Si on emprunte 20 millions d’euros par an tous les ans dans la durée, car la transition écologique ne sera pas réglée sur un mandat, il faut rembourser, intérêts compris, 27 millions par an. Et donc augmenter de 25 % les impôts des Rouennais. Voilà les promesses de EELV.
Peut-être n’en seraient-ils même pas gênés. Rappelons que la Ville aujourd’hui parvient très difficilement à rembourser sa dette. Que pour cette raison, les socialistes (dont M. Mayer-Rossignol), les communistes et EELV ont fait voter une augmentation des impôts de 3 % en 2016, alors qu’ils avaient déjà procédé à une augmentation de 8 % en 2010 et surtout alors qu’ils s’étaient engagés lors des élections de 2014 à ne pas le faire !
Bien sûr, il est essentiel de retrouver des marges de manœuvre pour investir et financer la redynamisation et la transition écologique de notre Ville. Mais cela doit passer par des efforts de gestion et une relation redéfinie avec la Métropole. Pas par une nouvelle augmentation d’impôts ou la faillite de notre Ville.
- La « gratuité » des bus, fausse bonne idée
Qu’il me soit permis également d’apporter un commentaire sur la proposition de gratuité des transports en commun formulée dans le même programme. L’idée paraît généreuse. Mais elle est d’abord parfaitement fausse : rien n’est gratuit, il faut acheter les bus et payer les conducteurs, et si le citoyen ne le fait pas avec sa poche d’usager, il le fait avec sa poche de contribuable.
Mais surtout cela ne fonctionne pas en pratique. D’abord, la mesure est très faiblement incitative . Pour un travailleur salarié, le pass Astuce revient à 20,87 € / mois déduction faite de la part payée par l’employeur. Le coût moyen d’une voiture est de 400 € / mois tout frais compris. Ce n’est pas en supprimant les derniers euros à régler par l’usager qu’on l’incitera plus à abandonner sa voiture, ou à en limiter le nombre par ménages. Pour inciter à l’usage des transports en commun, il faut en réalité investir pour développer le réseau. Or, en proposant la « gratuité », alors que les impôts sont à leur maximum, cela veut dire qu’on prive la Métropole de la capacité à investir sur le réseau. Tout le contraire de ce qu’il faut faire.
En bref, les deux premières propositions d’EELV sont des erreurs majeures, au travers desquelles la méconnaissance le dispute à la démagogie. Une bonne raison de s’impliquer dans la campagne des municipales pour changer l’équipe en place !